La saison va finalement se conclure sur une bonne recette. La vitrine s’habille de panneaux : liquidation totale, tout doit partir. Je n’ai plus envie de continuer, après tous ces mois en négatif. C’est dans ces moments que s’invitent les profiteurs. Mais bon, ils me payeront mon rêve. Un vrai voyage et peut-être même une nouvelle cuisine.

En fermant les volets, j’aperçois du coin de l’œil l’enseigne encore allumée de mon petit magasin. J’y laisse beaucoup de souvenirs, toutes ces années à vendre des chaussures en tous genres, des paires étranges avec rayures ou d’autres avec motifs léopard. Il était temps de sortir toutes ces boites qui restaient en stock, des chaussures jamais vendues, trop vite démodées. Qui va oser prendre ces pairs ? Je me souviens de cet homme, un magicien qui cherchait des brogues vertes. J’ai fini par en commander pour lui.

Ce soir, c’est le dernier inventaire. Plus que quelques chèques à remplir et je pourrai mettre la clef sous la porte. Après ces dernières besognes, je quitte mon bureau en direction de ma chambre. Elle se trouve dans l’arrière-boutique aménagée pour les longues soirées comme celle-ci. Je réfléchis sur les offres que j’ai reçues pour le magasin et l’appartement. Mais je préfère louer la boutique et garder mon petit chez moi. Il y a mon précieux jardin derrière. Je pose mes lunettes sur le coin de la commode pour frotter mon visage fatigué. Il fera bientôt beau, je pourrai planter quelques herbes aromatiques pour préparer des bonnes sauces. Je n’ai pas encore décidé si je vais chercher un boulot tout de suite ou pas. Je n’ai pas envie de travailler pour quelqu’un, je suis trop caractériel pour ça. Je devrais faire un peu de sport pour me remettre en forme, bonne idée. Je me vois déjà avec des chaussures de jogging, au milieu de la forêt.

Les vacances ça m’aidera à restructurer mes plans. Un peu de plage, ça aide toujours, et si je partais pour ne plus revenir ? Mes décisions, je les prends souvent le soir avant de m’endormir. La nuit m’a presque toujours été de bon conseil. J’enfile un vieux t-shirt poussiéreux. En le secouant je ferme les portes du placard. Étendu sur le lit, je pense encore une fois à tous ces souvenirs dans le magasin. Les premières ventes, les jours de fêtes, les habitués. Mon ex-femme, qui l’avait ouvert avec moi. Je somnole sous les draps. De hautes étagères en noyer s’alignent dans un long couloir, des milliers de chaussures en tombent et m‘ensevelissent.