La fenêtre est ouverte dans l’ancienne maison de village. Dehors les premiers oiseaux de l’année élèvent leurs voix. Je ferme les rideaux. Encore quelques dossiers à relire, en plus des ordonnances à classer, les médicaments contre les maladies petites et graves. La vieillesse obligatoire, ce moment de la vie où reviennent les regrets. On aurait dû travailler moins. Maintenant, tout est bientôt fini, les aménagements de la salle des fêtes aussi, les gens vont être contents. Je suis un bon maire, responsable, conservateur comme il le faut.

Il y a trop de choses dans ma salle de bain. Les petits cartons, les notices, pilules, comprimés, sirops, effervescents et gélules. C’est dimanche soir, je prépare ma ration pour la semaine. Je dois relire le discours de mercredi prochain pour l’inauguration. Tout doit être parfait, c’est la dernière fois que je vais avoir une telle opportunité.

Je regarde mon visage dans le miroir, je suis vieux, c’est certain, avec ces taches et ces rides. Je me débarbouille un peu. Par la suite, je m’installe confortablement sur mon fauteuil pour relire mon testament. Une après-midi d’il y a vingt ans revient. Encore mariés, on faisait un pique-nique. Heureux, sans maladies, sans taches, sans responsabilités importantes.

Et la famille, dommage, je m’étais toujours vu en bon grand-père. Mais finalement ça va, je peux dire que le village est comme ma famille, je connais tous les couples et leurs enfants, les travailleurs et les vieilles dames. Après ma mort, la moitié de mes possessions iras à mes enfants et le reste à mon village. Comme ça, ils se souviendront de moi. Je veux rester dans les têtes, ne pas être oublié au moins pour quelques années. Peu à peu, je vacille entres les chiffres et les mots qui s’évaporent du document.